Un certificat d’urbanisme négatif peut-être délivré sur le fondement de la loi littoral alors même que le terrain est classé en zone constructible par la carte communale.

Dans un arrêt du 3 octobre 2016, M. Le Brun, n°391750, le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi littoral », permettent de fonder un certificat d’urbanisme négatif, alors même que le terrain d’assiette du projet est inscrit dans une zone constructible de la carte communale.

 

1. Les grandes lignes de la loi littoral :

L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (anciennement L. 146-4 I du code de l’urbanisme) dispose que :

« L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ».

Cette exigence de construire en continuité des agglomérations et villages existants s’applique à tout terrain situé sur le territoire d’une commune littoral, qu’il soit ou non à proximité du rivage (en ce sens, Conseil d’Etat, 27 septembre 2006, Commune du Lavandou, n°275924).

La jurisprudence estime en outre qu’une simple construction constitue une extension de l’urbanisation devant respecter l’article L. 121-8 (en ce sens, Conseil d’Etat, 9 novembre 1994, Constantini n°121297).

La notion d’agglomération ou de village ne s’apprécie pas selon des critères d’existence d’une ancienne urbanisation, ni d’ailleurs en fonction de considérations sociologiques, mais uniquement au regard de la densité du tissu urbain :

« les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations » (Conseil d’Etat, 27 septembre 2006, commune du Lavandou, précité).

La jurisprudence procède à une approche au cas par cas de la notion de zones « caractérisées par une densité significative des constructions », admettant notamment que l’urbanisation d’un terrain situé en continuité d’un secteur comportant une quarantaine de construction pouvait être urbanisé (en ce sens, Conseil d’Etat, 27 juin 2007, n°297938, Commune de Pluneret), ou encore une zone possédant une « cinquantaine de maisons d’habitation groupées » (en ce sens, Cour Administrative d’Appel de Nantes, 28 février 2014, n°12NT01411).

En revanche, un  secteur comportant une urbanisation « clairsemée et entrecoupée de parcelles demeurées à l'état naturel »,  et donc peu dense, ne sera pas qualifié d’agglomération ou de village, nonobstant la présence d’une centaine de constructions (en ce sens, Cour Administrative d’Appel de Nantes, 28 novembre 2014, Commune de Riec-sur-Belon, n°13NT02857).

 

2. L’incidence du classement du terrain sur l’application de la loi littoral :

Dans son arrêt du 9 novembre 2015, commune de Porto-Vecchio, n°372531, le Conseil d’Etat a jugé que les documents d’urbanisme ne devaient pas être conformes à la loi littoral mais simplement « compatibles » avec ses dispositions, laissant ainsi aux auteurs des documents d’urbanisme une (petite) marge de manœuvre vis-à-vis de ces dispositions ; ce qui permet de prendre en compte le classement du terrain –s’il est compatible avec la loi littoral- pour en apprécier la constructibilité. Le Conseil d’Etat affirme : « les auteurs des plans locaux d'urbanisme doivent s'assurer que les partis d'urbanisme présidant à l'élaboration de ces documents sont compatibles avec les directives territoriales d'aménagement ou, en leur absence, avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières, notamment, au littoral […] ». 

Ce n’est qu’en l’absence d’un tel document d’urbanisme que le juge doit contrôler directement la conformité du projet (permis de construire, permis d’aménager, certificat d’urbanisme…) avec les règles de la loi littoral.

 

Cependant, dans son arrêt du 3 octobre 2016, le Conseil d’Etat ne vérifie pas si la carte communale est compatible avec la loi littoral mais se borne à constater, sans plus de précision, l’illégalité du certificat d’urbanisme positif, et à préciser en outre qu’en classant en zone Uh un terrain situé dans une zone d’urbanisation diffuse, la carte communale a méconnu la loi littoral.

Ce faisant, le Conseil d’Etat apparaît poser une exigence de conformité entre la loi littoral et les cartes communales et non de simple « compatibilité » telle que dégagée pour les PLU par l’arrêt commune de Porto-Vecchio.

 

Il ressort de l’arrêt du 3 octobre 2016 que les auteurs de cartes communales ne bénéficient pas de la marge d’appréciation -certes restreinte- accordée aux auteurs de PLU, devant amener ces premiers à une application stricte de la loi littoral.

Cette décision illustre une nouvelle fois les incertitudes qui pèsent sur la constructibilité des terrains en zone littorale. Elle doit inciter à la prudence et, idéalement, à prévoir dans tout acte d’acquisition une condition suspensive liée à l’obtention d’un permis de construire définitif.

 

A défaut, l’acquéreur d’une parcelle qui se révèle inconstructible s’expose à des procédures fleuves dont l’objet sera soit de défendre la constructibilité du terrain, soit d’engager la responsabilité de la commune en raison d’un classement irrégulier, soit encore d’obtenir l’annulation de la vente.

 

Ronan Blanquet

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