La loi littoral (du 3 janvier 1986) a pour objet de lutter contre le phénomène de mitage du littoral. Pour ce faire, chaque commune littorale est soumise à l’exigence de réaliser les extensions de l’urbanisation en continuité d’un village ou d’une agglomération, à cette obligation s’ajoutent parfois d’autres protections (contraintes ?) selon l’espace concerné (espace proche du rivage, bande littorale des cent mètres, espace remarquable…).
Ces protections des espaces littoraux s’appliquent de manière cumulative. Par exemple, dans la bande des cent mètres à compter du rivage, s’appliquera notamment le principe d'inconstructibilité particulier à cet espace (article L.121-16 du Code de l’urbanisme) mais également le principe d'urbanisation en continuité des villages et agglomérations existants.
Ce dernier principe est issu de l’article L.121-8 du Code de l’urbanisme, qui dispose, en son premier aliéna : « L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. ». Ainsi, dans les communes littorales, sur l’ensemble du territoire communal, les constructions ne peuvent être autorisées qu’en continuité des zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. A contrario, aucune construction ne peut être autorisée, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages (pour un rappel récent, cf. Conseil d’Etat, 28 juin 2019, n°417773, Sté European Homes Centre).
Il convient de souligner que la loi littoral a connu, suite à l’adoption de la loi ELAN du 23 novembre 2018, une évolution importante, laquelle impose l’analyse de l’application de la loi littoral sous le prisme du Schéma de Cohérence Territorial (Conseil d’Etat, 6ème – 5ème chambres réunies, 9 juillet 2021, n°445118).
Dans cette logique de territorialisation de la loi littoral, il appartient désormais aux SCOT de déterminer les critères d’identification des villages et agglomérations et secteurs déjà urbanisés et d’en définir la localisation (article L.121-3 du Code de l’urbanisme).
Toutefois, à défaut de dispositions du SCOT, compatibles avec celles de la Loi littoral, il convient d’analyser le classement d’un terrain au regard des dispositions de l’article L.121-8 du Code de l’urbanisme.
La Cour administrative d’appel de Nantes a récemment affirmé (CAA de Nantes, 5e chambre, 26 janvier 2021, n°20NT00240) que, ne constitue pas une zone d’urbanisation diffuse mais bel et bien une agglomération ou un village, un secteur, composé d’une cinquantaine de constructions à usages d’habitation, artisanaux et industriels présentant un tissu de constructions dont la densité, « sans être élevée, reste significative ».
En l’espèce, a été pris en compte par la Cour, le fait que, même si le secteur en cause s’ouvre sur des espaces agricoles et boisés, il jouxte, le site d’une entreprise, dans un secteur classé en zone industrielle. La Cour a également tenu compte de l’accessibilité du secteur par une route départementale et, plus globalement, de la desserte des parcelles composant le secteur, en termes de voies de circulation. Par conséquent, puisqu’un tel secteur ne pouvait aucunement être constitutif d’une zone d’urbanisation diffuse, son classement en zone urbaine « destinée à l’habitat et aux activités compatibles avec l’habitat, n’est pas incompatible avec les dispositions de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme ».
En revanche, constitue, selon la même Cour (CAA de Nantes, 5e chambre, 31 mars 2021, n°19NT04719), une zone d’urbanisation diffuse, un lieu-dit comportant une trentaine de constructions diffuses, réparties le long d’une même voie, entouré de parcelles non bâties ainsi que de vastes espaces naturels et agricoles, et, situé à 4 kilomètres du centre-bourg.
Ainsi, le terrain d’assiette d’un projet, situé dans ce lieu-dit, ne se situe pas en continuité avec une agglomération ou un village existant. En toute logique, la juridiction d’appel tire les conséquences de cette situation : le terrain ne peut être classé en zone « 1NAhc », autrement dit, en zone constructible. La commune ne pouvait donc, sans commettre une faute de nature à engager sa responsabilité, délivrer un certificat d’urbanisme positif déclarant constructible le terrain.
Constitue enfin et, de la même manière, une zone d’urbanisation diffuse au sein de laquelle aucune nouvelle construction d'un bâtiment ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, le lieu-dit, situé à près de 3 kilomètres du centre-bourg, entouré de vastes espaces naturels ou agricoles, situé à 300 mètres du rivage et, composé d’une quarantaine de maisons d’habitation et d’une exploitation agricole, desservies par des voies publiques.
En effet, une partie de ce lieu-dit, comporte « cependant en son milieu plusieurs parcelles non bâties », une autre partie comprend des parcelles « édifiées de façon dispersée sur de larges terrains et, pour plusieurs d’entre elles, séparées des autres par des parcelles non bâties ». (CAA de Nantes, 5e chambre, 27 avril 2021, n°20NT02858).
Il ressort donc de ces applications pratiques, que, sont analysés strictement, pour caractériser l’existence d’un village ou d’une agglomération au sens de la loi Littoral, non seulement le nombre et la densité des constructions composant un secteur, mais également la distance le séparant du bourg ainsi que l’espace composant cette séparation.
Ronan BLANQUET
AVOCAT
Aurélia MICHINOT
JURISTE
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