Les communes littorales demeurent protégées par le principe d’urbanisation en extension des villages et agglomérations existants (article L.121-8 du Code de l’urbanisme) applicable sur l’entier territoire communal, mais également grâce au principe d’extension limitée de l’urbanisation en espace proche du rivage.
Pour caractériser l’existence d’un tel espace, la jurisprudence tient non seulement compte de la distance séparant le secteur en cause du rivage mais jauge également son caractère urbanisé, mais également sa covisibilité avec la mer (Conseil d’Etat, 3 juin 2009, n°310587).
Ce principe protecteur des espaces proches du rivage se retrouve à l’article L. 121-13 du Code de l’urbanisme qui dispose : « L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. (…) ».
Il ressort de cet article, que, même projetée en agglomération ou dans des espaces urbanisés, une opération ne doit pas étendre de manière significative l’urbanisation de ces espaces, dès lors qu’ils sont situés en espaces proches du rivage. Une telle extension est caractérisée, rappelle la Cour (CAA de Nantes, 5e chambre, 14 décembre 2021, n°20NT01607), si l’opération « conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d’un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions » (se faisant, la Cour applique l’arrêt du Conseil d’Etat, 7 février 2005, n°264315, Sté Soleil d’Or et Cne de Menton). A contrario, « la seule réalisation dans un quartier urbain d’un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension au sens de la loi ».
Il ressort également de ces dispositions qu’une extension de l’urbanisation n’est pas ipso facto illégale. En espaces proches du rivage, elle doit être justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme ou être conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma d’aménagement régional ou compatible avec celles d’un schéma de mise en valeur de la mer ou bien encore être autorisée par le Préfet après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Pour être légale, cette extension doit cependant être limitée.
Il est à souligner que les juges du fond apprécient souverainement le caractère limité de l’extension de l’urbanisation en espaces proches du rivage (Conseil d’Etat, sect, 26 mars 1999, n°185841).
Dans le cadre de cette appréciation, la Cour administrative d’appel de Nantes considère que le projet de construction de cinq bâtiments comprenant chacun entre vingt et dix logements, s’inscrivant dans un quartier résidentiel urbanisé composé de maisons d’habitation individuelles ne méconnait pas les dispositions de l’article L.121-13 du Code de l’urbanisme puisque les constructions projetées en l’occurrence « respectent la destination du quartier » (l’habitat) et n’augmentent pas sensiblement la densité de constructions. La construction de ces cinq bâtiments constitue, selon la Cour « une simple opération de construction » et non une extension de l’urbanisation (CAA de Nantes, 5e chambre, 14 décembre 2021, n°20NT01607).
De même, un projet de construction de trois bâtiments comprenant environ une dizaine de logements chacun constitue une simple opération de construction ne conduisant pas à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou à modifier de manière importante les caractéristiques du quartier dès lors que, la parcelle d’assiette de ce projet se situe à 750 mètres du rivage, dont elle est séparée par une zone portuaire et industrielle artificialisée, dans un quartier résidentiel urbanisé. Est prise en compte, une fois de plus, la destination des constructions : l’habitat, similaire à celle des constructions voisines. (CAA Nantes, 5e chambre, 17 novembre 2021, n°19NT05025).
En revanche, l’approche de la Cour fut plus restrictive s’agissant d’une parcelle localisée dans la bande littorale des cent mètres, et donc en espace proche du rivage (CAA Nantes, 5e chambre, 12 janvier 2021, n°19NT03512).
Dans cet arrêt du 12 janvier 2021 la Cour administrative d’appel de Nantes considéré, cette fois, que le projet prévoyait une densification significative de l’espace urbanisé situé dans la bande des 100 mètres et non, une extension limitée de l’urbanisation.
En effet, le projet en question consistait à étendre un bâtiment existant en vue d’aménager et d’édifier un immeuble de cinq niveaux comportant douze logements et des surfaces en rez-de-rue pouvant accueillir ensuite des commerces. La surface de plancher avait vocation à augmenter de près d’un tiers, l’emprise au sol aurait été étendue à 80% de la surface totale de la parcelle. Or, de telles caractéristiques contrastaient avec celles des constructions avoisinantes dont la destination était l’habitat pavillonnaire et l’emprise au sol plutôt réduite. Enfin, le projet prévoyait une implantation et un nombre de volumes qui différaient de ceux des constructions voisines.
Ainsi, la juridiction d’appel a apprécié le caractère limité de l’extension de l’urbanisation non pas au regard de la seule importance du projet, mais en fonction de son impact sur la densité d’un secteur en analysant corrélativement l’importance et à la densité de l’environnement bâti existant (Conseil d’Etat, 12 décembre 2007, n°290312, Cne de Sené).
Ronan BLANQUET
AVOCAT
Aurélia MICHINOT
JURISTE
Coordonnées