Reconnaissance d’un état de catastrophe naturelle par l’Etat : de quoi s’agit-il ?

En raison du dérèglement climatique que nous connaissons, certains phénomènes tels que les inondations, les crues torrentielles ou encore les phénomènes liés à l’action de la mer ont vocation à se multiplier.

En principe, les dégâts liés à de tels événements naturels ne sont pas assurables.

Néanmoins, la reconnaissance par l’Etat, de l’état de catastrophe naturelle peut permettre une prise en charge de ces dégâts via le système assurantiel.

Par ailleurs, ce régime d’indemnisation a récemment été modifié par la loi du 28 décembre 2021 n°2021-1837 complétée par le décret du 30 décembre 2022 n°2022-1737.

Pour comprendre comment un tel processus fonctionne, il y a lieu de se référer aux articles L.125-1 et suivants du Code des assurance ainsi qu’aux articles D.125-1 à R.125-7 du même code mais également à la récente circulaire du 29 avril 2024 ayant pour objet de préciser les modalités d’instruction des demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Sont notamment annexés à cette circulaire, de façon non exhaustive : la procédure accélérée de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (annexe n°3), les critères pris en compte pour décider de la reconnaissance en état de catastrophe naturelle d’une commune (annexe n°6), le contenu des demandes communales (annexe n°5), etc.

 

  • Quels contrats ouvrent-ils droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles ?

Il s’agit des contrats d’assurance souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’Etat et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur.

 

  • Quels sont les « effets des catastrophes naturelles » ?

Les effets des catastrophes naturelles correspondent :

  • Aux dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel ;

 

  • Aux dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante la succession anormale d’événements de sécheresse d’ampleur significative (s’agissant des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation de sols ; l’on parle aussi de sol « argileux »).

 

Il s’agit, en outre, de dommages dont la survenance n’a pu être empêchée par les mesures habituelles de prévention.

 

  • Aux frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées dont la résidence principale est rendue impropre à l’habitation pour des raisons de sécurité, de salubrité ou d’hygiène qui résultent des dommages précédemment cités.

 

  • A qui incombe la charge de solliciter la reconnaissance de l’état de catastrophe de naturelle ?

Il revient exclusivement aux communes, dans un délai de 24 mois après le début de l’événement naturel ou pour les mouvements de terrain différentiels, dans un délai de 24 mois intervenant après le dernier événement de sécheresse, de déposer un dossier de demande en ligne ou à la Préfecture. Le rôle des communes est donc central dans le processus présentement décrit.

 

Il convient de préciser que le refus d’une commune de déposer cette demande constitue une décision susceptible de faire l’objet d’un recours.

 

 

  • Comment la demande est-elle instruite ?

Les services déconcentrés de l’Etat dans le Département centralisent les demandes communales et sollicitent les rapports techniques. Ils transmettent ensuite la demande à la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (ci-après DGSCGC), qui instruit les dossiers et prépare la présentation des demandes complètes auprès d’une commission interministérielle.

 

Cette commission interministérielle émet un avis ( sur la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, sur la base de rapports d’expertise (article L.125-1-1 du Code des assurances).

 

Saisie par les ministres en charge de la sécurité civile, de l’économie, du budget et de l’outre-mer, elle émet un avis simple (les ministres ne sont pas liés par son avis), portant sur le caractère naturel et l’intensité anormale du phénomène (article D.125-3 du Code des assurances).

 

En principe elle rend son avis au plus tard 2 mois après la saisine de son secrétariat. Néanmoins, si elle sollicite des compléments d’expertise, son avis n’est rendu que 2 mois après la réception par son secrétariat, des compléments sollicités.

 

Relevons qu’il existe une procédure dite « accélérée » dont les modalités sont précisées par la circulaire du 29 avril 2024. Elle s’applique à la faveur des communes qui ont subi un phénomène naturel d’ampleur exceptionnelle et dont l’intensité anormale fait peu de doute. Elle peut être décidée par le Gouvernement ou à la demande du Préfet de Département, ou encore à l’initiative du Directeur de la DGSCGC.

 

Pour citer l’une des spécificités de la procédure accélérée, l’on peut souligner que dans ce cadre, la commission interministérielle émet un avis favorable ou un avis d’ajournement, mais n’émet pas d’avis défavorable.

 

 

 

  • Que détermine l’arrêté interministériel pris après cet avis de la commission interministérielle ?

Sur la base du procès-verbal de la commission interministérielle, la DGSCGC réalise un projet d’arrêté qui est soumis à la signature des ministres compétents.

 

Si l’état de catastrophe naturelle est finalement constaté, l’arrêté interministériel va déterminer les zones et les périodes où s’est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci.

 

Pour chacune des communes concernées, la décision des ministres doit être « motivée de façon claire, détaillée et compréhensible » (article L.125-1 du code des assurances).

 

A titre d’illustration, l’arrêté interministériel pris le 10 avril 2024 n°IOME2410127A reconnaissant l’état de catastrophe naturelle dans plusieurs communes des départements tels que l’Indre, l’Indre et Loire, la Côte d’Or…, à la suite de phénomènes d’inondations et de coulées de boue, fait état de motivations bien précisestelles que : « le débit de pointe du cours d’eau lors de l’événement présente une période de retour supérieure à 10 ans » ou encore « les cumuls de précipitations lors de l’événement présentent une période de retour supérieure à 10 ans ».

 

L’arrêté doit également mentionner les voies et délais de recours ainsi que les règles de communication des documents administratifs (notamment des rapports d’expertise).

 

En application de ce principe mentionné à l’article L.125-1 du code des assurances, l’arrêté précité indique :

 

-S’agissant des voies et délais de recours : «  La décision des ministres peut faire l'objet d'un recours administratif dans les conditions et les délais prévus par les articles L. 411-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et l'article D. 125-1-2 du code des assurances. Elle peut également être contestée devant le tribunal administratif territorialement compétent par les communes ayant sollicité la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, dans un délai de deux mois courant à compter de la notification de la décision des ministres par le représentant de l'Etat dans le département, et par les autres personnes intéressées, dans un délai de deux mois courant à compter de la publication du présent arrêté. » ;

 

- S’agissant des règles de communication des documents administratifs : « Les documents administratifs préparatoires aux décisions de reconnaissance ou de non reconnaissance d'une commune en état de catastrophe naturelle, notamment les rapports d'expertise, sont communicables, sur demande, auprès du service déconcentré de l'Etat dans le département en charge de l'instruction des demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans les conditions prévues par l'article D. 125-1-1 du code des assurances.
Les communes qui ont déposé leur demande de reconnaissance de manière dématérialisée peuvent également accéder directement à l'ensemble des documents administratifs préparatoires en consultant leur demande dans l'application informatique iCatNat (
 https://icatnat.interieur.gouv.fr). ».

 

 

  • Comment prendre connaissance de cet arrêté reconnaissant l’état de catastrophe naturelle ?

La décision interministérielle est notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l’Etat dans le département.

 

L’arrêté est également publié au Journal officiel dans un délai de deux mois à compter du dépôt des demandes en préfecture ou bien à compter de la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l’Etat dans le département est supérieure à deux mois. Grâce à cette publication, les assurés peuvent prendre connaissance de la décision interministérielle.

 

 

  • Que doit faire l’assuré ?

Dans un bref délai de trente jours suivant la publication de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle, l’assuré doit déclarer à l’assureur le sinistre subi.

 

  • Quid en cas de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ?

La commune ainsi que toute personne intéressée peut exercer à l’encontre d’une telle décision de « non reconnaissance », un recours contentieux précédé ou non d’un recours gracieux. Le recours en annulation doit être déposé auprès du tribunal administratif compétent dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision à la commune (si cette dernière introduit le recours) ou bien suivant la publication de l’arrêté (si le requérant est une personne sinistrée par exemple).

 

Dans le cadre d’un tel litige, il peut être opportun de se faire accompagner d’un avocat. En effet les enjeux sont importants. En cas d’annulation de la décision de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, le juge administratif pourra enjoindre les ministres compétents à réexaminer la demande

 

A contrario, si l’état de catastrophe naturelle n’est pas reconnu, il convient de rappeler que les dommages matériels causés par l’événement naturel restent en principe non assurables…

 

Aurélia MICHINOT

Juriste

 

Ronan BLANQUET

Avocat

 

 

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