L’inconstructibilité dans la bande littorale des 100 mètres : un principe absolu ?
Dans un arrêt du 29 mai 2017 (Cour administrative d’appel de Nantes, 29 mai 2017, n°16NT00334), la Cour administrative d’appel de Nantes a donné une illustration de la notion « d’espace urbanisé » au sens des dispositions de la loi n°86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (dite « loi littoral »).
La Cour a considéré qu’un projet de construction d’une maison d’habitation, sur une parcelle située à moins de 100 mètres du littoral, bordée à l’Ouest et au Sud par des constructions préexistantes, à l’Est par un cimetière, située dans l’enveloppe bâtie que constitue le bourg de la commune, doit être regardée comme inscrite dans un « espace déjà urbanisé », ne méconnaissant dès lors pas les dispositions de la loi littoral.
1. L’opposabilité de la loi littoral dans la bande des 100 mètres :
L’article L. 121-16 du Code de l’urbanisme (anciennement L.146-4 III), issu de la loi littoral, dispose :
« En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement. »
Cette interdiction s’applique tant aux constructions et installations nouvelles qu’à l’extension des constructions existantes (Conseil d’Etat, 21 mai 2008, n°297744).
D’ailleurs, si cet article ne vise que les constructions et installations, le juge administratif a élargi l’opposabilité de ces dispositions aux documents d’urbanisme (Conseil d’Etat, 20 octobre 1995, n°151859), ainsi qu’aux certificats d’urbanisme (Conseil d’Etat, 10 novembre 2004, n°258768).
Ce régime juridique défini par la loi littoral dans la bande des 100 mètres est extrêmement strict, et ne permet, en dehors des espaces urbanisés, que de simples travaux d’adaptation et de réfection de bâtiments existants, sans extension ou changement de destination (Conseil d’Etat, 8 octobre 2008, n°293469).
Il est cependant à noter qu’existent des exceptions légales à ce principe, visées à l’article L. 121-17 du Code de l’urbanisme, qui dispose notamment :
« L'interdiction prévue à l'article L. 121-16 ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau.[…] ».
Parmi ces activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau nous pouvons citer les activités liées à la pêche et de conchyliculture (Cour administrative d’appel de Nantes, 7 avril 1999, n°97NT00926), mais également, lorsque la salubrité publique exige leur présence, des installations sanitaires (Conseil d’Etat, 8 octobre 2008, n°293469).
En revanche, la jurisprudence estime qu’un centre de thalassothérapie ne constitue pas une installation exigeant la proximité immédiate de l’eau (Tribunal administratif de Nice, 17 décembre 1987, n°157287), ni d’ailleurs une installation de stockage de bateaux (Tribunal administratif de Nice, 19 décembre 2002, n°005650).
2. La construction dans les espaces urbanisés de la bande des 100 mètres
L’inconstructibilité de principe dans la bande des 100 mètres ne s’applique pas dans les « espaces urbanisés ».
Le Conseil d’Etat a jugé qu’il fallait considérer comme un « espace urbanisé », au sens de l’article L. 121-16 précité : « un espace caractérisé par une densité significative de construction » (Conseil d’Etat, 27 septembre 2006, n°275924).
La Cour administrative d’appel de Nantes, plus récemment, a rappelé que « l’espace à prendre en considération » pour l’application des dispositions de l’article L. 121-16 précité est « constitué par le voisinage immédiat du terrain d’assiette du projet de construction » qui correspond à « l’ensemble des espaces entourant le sol sur lequel doit être édifiée la construction envisagée ou proche de celui-ci » (Cour administrative d’appel de Nantes, 1er juin 2015, n°14NT01268 ; solution précédente, Conseil d’Etat, 12 mai 1997, n°151359).
La jurisprudence procède à une approche au cas par cas de la notion « d’espace urbanisé » et « d’espace caractérisé par une densité significative de constructions ». Ainsi, n’a pas été jugé comme urbanisé au sens des dispositions de la loi littoral, un terrain isolé des constructions les plus proches (Conseil d’Etat, 9 octobre 1996, n°161555).
En revanche, sera considéré comme inscrit dans un secteur « urbanisé » une parcelle située en bordure d’une agglomération, dans un lotissement comportant plusieurs maisons d’habitations et à proximité immédiate d’un ensemble d’immeuble (Conseil d’Etat, 27 janvier 1997, n°125841).
C’est donc l’application de principes déjà dégagés par la jurisprudence qui a permis à la Cour administrative d’appel de Nantes dans son arrêt du 29 mai 2017, de juger qu’un projet, bordé à l’Ouest et au Sud par des constructions et à l’Est par un cimetière et situé de surcroît dans une enveloppe bâtie, puisse être considéré comme situé dans un espace « déjà urbanisé » et donc constructible.
Un autre élément important de l’arrêt est que nous avons obtenu de la Cour administrative d’appel de Nantes qu’elle admette, à titre exceptionnel, que la desserte d’une parcelle enclavée puisse se réaliser par la servitude de passage des piétons le long du littoral.
A notre connaissance, il s’agit de la première fois qu’une Cour admettait un tel principe.
Cet arrêt illustre que si la bande des 100 mètres est une zone dans laquelle les servitudes d’urbanisme rendent les opérations de construction délicates, il n’en demeure pas moins que ce principe n’est pas absolu. Encore faudra-t-il que le porteur de projet -dûment conseillé- établisse que son terrain s’inscrit dans un secteur urbanisé.
Ronan Blanquet
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